Dimanche dernier, je venais en aide à Roxane, la vielle jument (28 ans) de mes voisines, blessée à un postérieur par du fil de fer barbelé. J’étais avec elle dès 7h00 du matin, dès que j’ai appris que les chevaux s’étaient échappés du paddock. J’ai réussi à les boucler dans une pâture voisine, j’ai demandé de l ’aide à Vanessa, nous avons nettoyé sa plaie, posé un garrot, je l ’ai maintenue lorsque le vétérinaire l ‘a anesthésiée, j’ étais là à son réveil de peur quelle ne tombe, j’ai passé près de 7h30 auprès d ’elle en attendant que la propriétaire partie en vacances ne revienne. Depuis avant hier soir, il pleut des trombes d ’eau. Je me suis dis que quelque part cela allait faire du bien à la terre. Que la prairie serait verdoyante d ’ici quelques jours et que mes moutons et mon ânon seraient ravis. C 'est le déluge depuis 2 jours et les pauvres chevaux d ‘ à côté n’ont rien pour s’abriter, c’est toujours comme ça, quelque soit le mois de l ’année, ils n'ont pas d 'abris au sec et ça me crève le coeur de les savoir trempés et au froid.

Hier matin, j’ai aperçu mon petit troupeau sous les grands cèdres lorsqu’il est sorti de sa cabane. Et puis j’ai été très occupée à la maison parce que nous recevions des amis à dîner le soir et avant je devais me rendre à des obsèques qui ont été interminables. Lorsque je suis enfin rentrée, mon petit troupeau n’était plus dehors, Paquita la brebis n’aime pas trop la pluie.

Lorsque je suis allée leur rendre visite à la cabane, avec la ration de foin, mon amie Nathalie est venue avec moi, m’enviant ce bonheur que d ’avoir de si doux compagnons. Très vite j’ai constaté que Marius, mon petit agneau manquait à l ’appel. Je l ’ai appelé sans réponses. Je me suis dis que peut-être il ne m’entendait pas car en contre-bas du pré. Je l ‘ai déjà trouvé là-bas il y a quelques jours, la tête coincée par ces cornes à travers les mailles du grillage. Je me suis inquiétée, l ’imaginant trempé comme ces pauvres chevaux. Mais, non, il n’était pas là. J ‘ ai donc pris un autre chemin, remontant vers le portail de l ’enclos, longeant le ruisseau. Là bas, nous sommes en chantier à démonter un parc grillagé ayant servi à des canards du temps des anciens propriétaires. Il y a un petit bassin. Tout était pris dans les ronces et la semaine dernière nous y avons mis le feu afin de pouvoir démonter plus aisément la structure de ce parc. C ’est là, au milieu de cet endroit de cendres et de bois calciné, où pas le moindre brin d ’herbe ne suscite l 'envie de s'attarder, que Marius a eu la curiosité de venir faire quelques pas. Malheureusement, son inexpérience à eu raison de sa témérité. Nous l ’avons découvert là, dans la petite mare, gisant dans cette eau noire, plus trempé que les chevaux. Il est mort tout seul, nul ne l ’ a entendu se débattre, chercher une issue. Personne n’est venu lui porter secours. Il est mort, d ‘épuisement et de noyade,… mon petit agneau de neuf mois ne verra pas la prairie reverdir, il ne mangera plus les châtaignes dans mes mains, nous ne le porterons plus dans nos bras pour un gros câlin, je ne reconnaîtrais plus son bêlement comme lorsqu’il m’apercevait … j ‘ai si mal, pourquoi lui ? si jeune, si insouciant, si plein de vie … chez nous je le croyais sauvé de l ‘abattoir, je le voyais devenir un beau et gentil bélier, peut être aussi donner à l ’Onde quelques agneaux de plus qui auraient animés l ’enclos de leurs jeux et de leur douceur immaculée.

Notre petit Marius s’en est allé, emmenant avec lui une partie de notre cœur déchiré.

Marius

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